De nombreux rapports (*), issus des plus prestigieux cerveaux, tendent vers des conclusions quasi unanimes : environ la moitié des emplois actuels sera profondément modifiée par l’intelligence artificielle (IA) dans les prochaines années, si ce n’est remplacée ; et cette vague d’automatisation va s’accompagner d’une dichotomie de plus en plus forte entre les emplois qualifiés et bien rémunérés, et les autres. Avoir un collègue robot tout en apportant sa valeur propre, comment s’y préparer ?

Cette prédiction alarmante d’un rapport publié au cours de la présidence d’Obama doit-elle nous inquiéter : « Il y a 83% de chances que les travailleurs qui gagnent 20$ de l’heure ou moins voient leurs emplois remplacés par des robots au cours des cinq prochaines années, et 31% pour ceux dans la fourchette autour de 40$ par heure » ?

Pas vraiment, répondront une majorité des actifs, se sentant a priori à l’abri (ou n’étant pas au clair sur ce que l’IA implique à moyen-terme).

Sauf qu’à bien se poser la question, rien n’est moins sûr. Plusieurs travaux tentent de prédire qui sera concerné et à quelle échéance. Parmi les critères retenus, par exemple dans le fameux rapport de l’université d’Oxford, on trouve sans surprise le « caractère répétitif / routinier des tâches quotidiennes, qu’elles soient manuelles ou cognitives, et la distance technologique à parcourir pour que soit possible l’automatisation de cette tâche ».

Le Financial Times nous invite ainsi à tester notre propre disruption individuelle : « faire le test ».

Alors ? Vous êtes rassurés ? Dans tous les cas, les progrès récents dans le domaine de l’IA doivent nous amener à penser cette évolution plus frontalement encore. Si les tâches les moins « à risque » sont celles qui requièrent intelligence sociale, créativité et capacités heuristiques, les réseaux neuronaux des machines avancent pas à pas vers des attributs véritablement humains comme la reconnaissance des émotions, le conseil voire la prise de décision.

L’enjeu n’est donc plus de savoir qui est concerné mais comment s’épanouir avec comme collègue ou partenaire un surmoi digital ?

Si le weekend d’une IA risque de ne pas nous passionner lors des pauses café, comment envisager notre interaction avec elle ? Pour la première fois, nous voilà interpellés dans notre humanité car si l’IA dispose de capacités humaines (donc propres à nos relations sociales millénaires), elle n’en reste pas moins machine. Se préparer à travailler au milieu d’écosystèmes intelligents mixtes requiert-il une adaptation de notre approche du monde ?

Plutôt oui dans la mesure où nos actions devront désormais intégrer ce que les intelligences sont capables de faire ou pas, et jusqu’où leurs capacités humaines peuvent aller.

 

Prenons deux exemples : imaginons l’automatisation de tâches de reporting et le conseil en termes d’investissement.

Dans le premier exemple, la machine va récupérer les données nécessaires, les traiter, les consolider, valider leur provenance et leur fiabilité et renvoyer à son homologue humain une présentation claire et étayée. Mais en cas de doute sur un chiffre, impossible de lui demander sur quoi il se fonde. Il faudra partir en quête de réponses sans avoir fait le travail d’analyse préalable.

Dans le second, la machine ira scanner les informations issues de diverses bases de données du marché et m’indiquera des choix, des scénarios avec une analyse de risque puis me conseillera le meilleur en fonction de mon profil singulier. Mais pourra-t-elle me dire comment valider une option en fonction d’une donnée à la probabilité incertaine comme une nouvelle régulation ou un changement géopolitique ?

Personnellement, je sais que je ne sais pas. C’est pourquoi la compréhension de notre cerveau et des intelligences multiples doit permettre de nous éclairer, à l’aune de ce que prônait de professeur Henri Laborit (1914-1995) : « aussi longtemps qu’on n’aura pas diffusé très largement chez les humains capables de le comprendre et d’en tirer les leçons premièrement la façon dont fonctionne leur cerveau et deuxièmement la façon dont ils l’utilisent, et tant qu’on ne leur aura pas dit que jusque-là ça a toujours été pour dominer l’autre, il y a peu de chances pour qu’il y ait quelque chose qui change dans le monde. »

Et cela restera vrai pour notre employabilité future à mesure que l’IA calquera ses comportements sur une partie seulement de notre cerveau.

 

(*) Rapports du Pew Research Center, de McKinsey, de la DARES, du COE ou encore d’Oxford, repris en partie dans l’analyse du Conseil National du Numérique de 2016…

… crédits image centrale : The Financial Times Limited 2017. All rights reserved…

… et merci à @Gabs de m’avoir autorisé à utiliser son dessin !

Un nouveau cerveau pour un nouveau job ?

Une pensée sur “Un nouveau cerveau pour un nouveau job ?

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *